Comme toutes les guerres, aussi en Ukraine la guerre se nourrit de propagande. Qui joue dans les deux champs du conflit (russe et ukrainien). Voilà deux articles qui nous parlent de cette triste realité: celle des mass media italiens qui ont evité de parler de la mort d'un jeune reporter italien, Andrea Rocchelli, et celle d'un group universitaire qui cherche de reconnaitre la propagande dans les infos sur la guerre.
Links:
- http://www.liberation.fr/monde/2014/05/25/un-journaliste-italien-tue-en-ukraine_1026179
- http://www.liberation.fr/monde/2014/06/04/stopfake-le-site-ukrainien-qui-demonte-la-propagande-russe_1033512
Par AFP: LIBERATION
Sur les circonstances, le porte-parole n’a pas pu donner beaucoup de détails : «On ne sait pas bien, il y avait des affrontements, des coups de mortier, la situation est difficile à vérifier même pour les autorités ukrainiennes.» «La dépouille a été transférée, avec celle d’un citoyen russe, de l’hôpital d’Andreevka vers celui de Slaviansk, situé à quelques kilomètres» pour sa reconnaissance, a indiqué le ministère dans son communiqué officiel.
Selon le récit à l’AFP du photographe français de l’agence Wostok Press, William Roguelon, survivant de l’attaque, les deux photographes accompagnés par leur traducteur russe Andreï sont arrivés avec leur chauffeur sur une ligne de front à l’entrée de Slaviansk et ont été surpris par des tirs en sortant de la voiture. «Il y a d’abord eu des tirs de kalachnikov, ça sifflait. Puis les obus sont tombés», a-t-il indiqué, joint au téléphone depuis Kiev.
Les trois hommes se sont mis à l’abri dans un fossé. «40 à 60 obus sont tombés», a précisé le photographe français. «Ils ont ajusté leurs tirs et un obus est tombé au milieu du fossé. J’ai été blessé aux jambes. Je pense que Andreï était mort et Andy était blessé, je ne sais pas s’il était encore vivant», a indiqué le photographe légèrement blessé aux jambes. William Roguelon a ensuite montré ses appareils et crié qu’il était journaliste et s’est enfui sous les tirs. «J’ai croisé des combattants séparatistes à l’opposé des tirs et ils m’ont laissé passer», précise-t-il. Une voiture l’a alors pris et conduit à l’hôpital où il a été sommairement soigné.
Selon William Roguelon, les combattants séparatistes devaient chercher samedi soir à récupérer le photographe italien et le traducteur. Des agences russes, dont Interfax, ont affirmé, sur la base de sources russes, que les deux hommes avaient succombé à leurs blessures. Andy Rocchelli, diplômé en «visual design» à l’Ecole Polytechnique de Milan, avait d’abord travaillé pour la prestigieuse agence de photo italienne Grazia Neri, avant de fonder le collectif Cesura avec quatre autres photographes en 2008.
A l’étranger, il avait suivi des événements dans le Caucase, au Kirghizistan, puis les «printemps arabes» en Tunisie et Libye. Originaire de Piacenza (nord-est), il vivait entre Moscou et Milan et collaborait avec de nombreux médias de premier plan dont le magazine Newsweek, l’italien L’Espresso, le quotidien français Le Monde, ainsi que pour Foreign Policy, Novaïa Gazeta, la Zürcher Zeitung et Kommersant.
Rocchelli se trouvait dans la région de Donetsk avec son traducteur depuis plusieurs jours, selon des responsables du collectif Cesura. Slaviansk, dans la région séparatiste de Donetsk, est encerclée par l’armée ukrainienne, elle-même encerclée par d’autres insurgés prorusses et toutes les nuits les deux camps s’affrontent dans des combats sporadiques qui visent à reprendre un ou deux postes de contrôle.
Par Julien Honry
Sur les pages du site VKontakte, ersatz de Facebook et premier réseau social de Russie, une photo de char en feu, maintes fois partagée, avec cette légende : «Je tiens à vous féliciter, camarades ! Dans le Donbass, la vengeance de la junte a commencé comme promis !» Pourtant, selon le jeune site ukrainien StopFake.org,la photo n’a pas été prise ces derniers jours dans l'est de l'Ukraine, mais bien durant les événements de Tiananmen, à Pékin, «le 3 ou 4 juin 1989».
«SIGNALEZ UN FAUX»
De l’effacement photographique de Trotski par Staline aux cas de falsification de l’histoire dans les manuels scolaires, la manipulation et les détournements de l’information ne sont pas une première. Outré par les procédés russes grossiers et déçu par la qualité de l’information produite par les journalistes ukrainiens, Yevhen Fedchenko, directeur de l’école de journalisme Mohyla de Kiev, a proposé à ses étudiants de réfléchir à un moyen de combattre la propagande.Une étudiante a suggéré de créer un site web qui dénoncerait et démonterait ces contrefaçons. Et le 2 mars 2014, la plateforme collaborative StopFake est créée.
DES IMAGES GÉOLOCALISÉES
L’équipe du site, constituée de sept étudiants bénévoles travaillant le plus souvent à mi-temps («ils ont d’autres projets à côté», précise le directeur), doit s’organiser. L’un vérifie les vidéos, l’autre les photos, un troisième les textes… L’important est de retrouver l’origine exacte des sources. Pour cela, il faut fouiller dans les archives, vérifier les métadonnées (quand elles sont disponibles), analyser et géolocaliser les images, recomposer les textes et les discours, comparer, croiser…
Deux millions de personnes ont visité le site ces deux derniers mois et StopFake réunit 60 000 abonnés tous réseaux sociaux confondus. Malgré cette réussite, Yevhen Fedchenko n’envisage pas de développement stratégique et souhaite rester concentré sur le conflit ukrainien : «Naturellement, nous sommes contents que StopFake soit si consulté, mais ce site reste un projet pédagogique réalisé dans un cadre scolaire. Les seuls développements à court terme seront techniques.»
Quant à savoir si des pressions ont été exercées sur les créateurs du site ou sur l’école, son directeur est catégorique : «Nous n’avons reçu aucune pression d’aucune sorte et notre indépendance est totale. Sans ça, le projet n’aurait jamais existé.»